Avortement clandestin : Au delà des conséquences gynécologiques,le foie et les reins peuvent être touchés 

Au Burkina, l’interruption de la grossesse est encadrée par la loi n° 025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal et celle n°049-2005/AN du 21 décembre 2005 portant santé de la reproduction. Cette interruption sécurisée de la grossesse est seulement autorisée pour les cas de viol, d’inceste, de grave malformation fœtale ou lorsque la santé de la mère est menacée. Malgré cette législation fortement restrictive, l’avortement provoqué clandestin demeure une réalité dans le pays. De nombreux avortements sont pratiqués dans des environnements non médicalisés. Au delà des conséquences sur le plan gynécologique, l’avortement clandestin peut aussi avoir des conséquences non négligeables sur le plan neurologique et gastrique. 

Selon une étude réalisée par l’Institut supérieur en sciences de la population (ISSP) de l’Université de Ouagadougou, on estime à 105 000 le nombre d’avortements au Burkina Faso en 2012. Parmi les femmes qui ont recours à un avortement, 41% se tournent vers des tradipatriciens et 23% se font avorter elles-même et cela, dans des conditions à risque qui mettent en danger leur santé et leur vie. Parmi ces risques, figure l’insuffisance rénale selon Dr Hassane Traoré, néphrologue au CHU Yalgado Ouedraogo.

Relevant que de nombreuses femmes présentent une insuffisance rénale grave après un avortement provoqué clandestin, Dr Traoré a expliqué que cette pathologie peut survenir dans plusieurs circonstances: lorsque le produit utilisé pour l’avortement est toxique pour les reins, à la suite d’un saignement important qui a entrainé une destruction des reins, ou lors de certaines manœuvres réalisées pendant l’avortement qui exposent les reins à de graves infections. « Lorsqu’elle (insuffisance rénale) survient dans ces conditions, les reins peuvent arrêter de fonctionner et si la femme n’est pas prise en charge rapidement et efficacement, c’est le décès à court terme.  Et même si la femme est prise en charge, malheureusement le décès peut survenir au cours de cette prise en charge », a signifié Dr Hassane Traoré.

Et de préciser qu’à long terme, la destruction du rein peut être irréversible. « Cela veut dire qu’après une insuffisance rénale, les reins ne récupèrent pas définitivement. La femme reste en insuffisance rénale terminale, c’est-à-dire que les reins n’arrivent plus à faire leur travail et il faut une autre méthode de traitement à savoir la dialyse ou la transplantation qui n’existe pas dans nos contrées », a relevé le spécialiste des reins qui a soutenu : « On peut avoir 20 ans, la première grossesse, le premier avortement, et être dialysée à vie. Une insuffisance rénale dans ce contexte est généralement grave parce qu’il y a une défaillance d’autres organes associés. Même en prenant seulement en charge le problème rénal, souvent on reste dans un risque grave de décès ».

Au-delà de ces conséquences rénales, Dr Romond Sia, hépatogastro-entérologue à l’hôpital Schiphra, a noté également des complications hépatiques. Il s’agit selon lui, d’une hépatite aigue médicamenteuse avec parfois une atteinte de la fonction hépatique suite à la prise de certains médicaments hépato toxique, c’est-à-dire, des médicaments toxiques ou à forte dose qui peuvent avoir un retentissement négatif sur le foie. « On peut aussi avoir une atteinte du foie qui s’associe en même temps à une altération de la fonction rénale : on parle d’hépato néphrite. Cela peut être secondaire à la prise de médicament qui peut à la fois agir négativement non seulement sur le foie, mais aussi sur le rein », a-t-il indiqué.

A cela, s’ajoutent des complications œsophagiennes ou gastriques. A entendre Dr Sia, l’ingestion par voie orale de produits caustiques dans un but abortif peut conduire à des complications œsophagiennes et / ou gastrique tel que l’œsophagite caustique, la gastrique caustique qui peuvent se définir comme une inflammation de la muqueuse de l’œsophage ou de l’estomac. Ces inflammations, dit-il, peuvent se manifester cliniquement par des douleurs abdominales, des vomissements ou des difficultés à la déglutition à long terme.

Et que dire des complications intestinales notamment rectale. Là encore, Dr Sia soutient que l’utilisation de produits caustiques dans un but abortif par voie rectale, c’est-à-dire par les lavements, peut se manifester par des saignements au niveau anal et une inflammation au niveau du rectum. Tout ceci, prévient l’hépato-gastroentérologue, peut conduire à des saignements importants pouvant se compliquer par une anémie sévère et entrainer le décès de la patiente.

Somme toute, malgré les restrictions, force est de constater que l’avortement clandestin a la peau dure au Burkina. De nombreuses jeunes filles et femmes mariées continuent de perdre la vie dans cette pratique.

24 à 28% des décès hospitaliers sont liés à l’avortement clandestin. Dans une étude faite entre avril 2018 et mai 2019 par une équipe du Professeur Thiéba, 217 cas de grossesses non désirées ont été relevés. Parmi ces grossesses non désirées, 74% ont abouti à un avortement provoqué clandestin et la tranche d’âge retrouvée était de 22 ans.

Il sied donc de poursuivre la sensibilisation, de trouver des stratégies afin de mettre fin à ces pratiques. L’Etat, les Organisations non gouvernementales, les organisations de la société civile, les parents sont donc interpellés.

Yvonne OUEDRAOGO

 

 

 

 

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