Dengue au Burkina Faso : une équipe de chercheurs alertent sur les risques d’utilisation informelle des remèdes à base de plantes

Dans un article publié dans Pan African Medical Journal,  Dr Kampadilemba Ouoba et co-auteurs, du Laboratoire du développement du médicament (LADME) de l’université Joseph Ki-Zerbo, ont tiré la sonnette d’alarme concernant les risques que peut comporter l’utilisation informelle des remèdes traditionnels pour traiter la dengue.

En 2023, le Burkina Faso a été confronté à une nouvelle flambée de dengue, une maladie tropicale transmise par les moustiques. Les chiffres de cette épidémie étaient alarmants, avec 150 943 cas suspects, dont 70 000 cas probables et 701 décès enregistrés. Lors de cette épidémie, le recours aux remèdes à base de plantes par la population pour traiter la dengue a constitué une autre préoccupation de santé publique.

C’est ce contexte que les chercheurs du LADME dans un article titré « Epidémie de dengue au Burkina Faso : préoccupations concernant l’utilisation informelle des remèdes traditionnels à base de plantes », ont alerté sur les dangers de l’usage informel des remèdes traditionnels à base de plantes. Ils ont dans un premier temps rapporté les résultats de leur recherche sur l’utilisation des médicaments traditionnels en contexte d’épidémies au Burkina Faso. Cette recherche menée pendant la pandémie de la COVID-19 a montré que 85 % de la population burkinabè utilise les médicaments traditionnels pour se soigner, avec une fréquence d’évènements indésirables plus ou moins graves de près de 15%. Les principales raisons des utilisateurs comprennent la meilleure accessibilité des médicaments traditionnels comparativement aux médicaments conventionnels, le fait que les remèdes naturels seraient sans dangers pour la santé et la bonne acceptabilité culturelle de la pharmacopée traditionnelle.

Au sujet des dangers pour la santé de l’utilisation informelle des remèdes à base de plantes contre la dengue, Dr Ouoba et ses collaborateurs mettent en exergue trois types de risques.

Dr Kampadilemba Ouoba

Le premier concerne la survenue d’effets indésirables graves pouvant être provoqués par certaines plantes à activité anti-inflammatoire. Ces plantes au même titre que les anti-inflammatoires non stéroïdiens comme l’ibuprofène, peuvent aggraver les symptômes de la dengue en augmentant le risque d’hémorragie. Le second porte sur les interactions néfastes entre plantes médicinales et médicaments conventionnels lorsqu’ils sont utilisés concomitamment, pouvant annuler l’effet thérapeutique du médicament conventionnel ou potentialiser l’un de ses effets indésirables.

Par exemple la papaye réduit l’effet anticoagulant de la warfarine (un médicament antivitamine K qui aide à prévenir la formation de caillots sanguins), ce qui augmente le risque de développer des caillots, et le jus de pamplemousse augmente les effets secondaires des statines, qui sont des médicaments utilisés pour traiter les maladies liées à un excès de cholestérol.

Le dernier type de risques est relatif à la toxicité rénale ou hépatique de certaines plantes médicinales. L’ensemble de ces risques appelle la population à la prudence et au strict respect des consignes édictés par le ministère de la Santé pour la prise en charge de la dengue.

Au regard de l’ampleur de l’utilisation informelle des remèdes à base de plantes par la population burkinabè et des risques y relatifs, Dr Ouoba et ses collaborateurs estiment qu’il est impératif de développer un système de surveillance des médicaments traditionnels, en impliquant formellement les praticiens de la médecine traditionnelle et les consommateurs. Ils plaident également pour le renforcement de la communication et de la sensibilisation du grand public, ce qui permettra de protéger la population contre les dangers potentiels de ces pratiques et de mieux gérer les futures épidémies.

Madina Belemviré

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