Gestion des eaux usées dans les centres urbains : entre manque d’infrastructures et incivisme, les populations sont exposées à de nombreuses maladies

L’insuffisance ou le non-respect des normes d’assainissement et les mauvaises habitudes en matière d’hygiène dans certains quartiers d’habitation sont légions. En cause, des fosses septiques non couvertes et des flaques d’eau usées sont permanents dans l’environnement de vie des ménages. Ce constat est d’importance variable selon les quartiers de résidence et nécessairement lié au niveau socio-économique des ménages. Ces flaques d’eau usées provenant essentiellement des activités domestiques et même parfois des toilettes, constituent des nids ou sources de diverses maladies transmissibles. Comment les ménages gèrent-elles leurs eaux usées ? Quel peut être l’impact sanitaire de l’exposition aux eaux provenant des activités domestiques et des toilettes dans les quartiers ?

Dans le code de l’hygiène publique de 2005, les eaux usées doivent faire l’objet d’une gestion qui diffère en fonction de leur nature. Pour les eaux des ménages, les familles doivent disposer d’ouvrages de gestion couramment appelés ouvrages d’évacuation des eaux usées qualifiés souvent de puisard (puits perdus non améliorés). Toutefois, la construction de cet ouvrage doit obéir à des critères bien définis, c’est-à-dire qu’il ne doit pas être situé à l’extérieur de la parcelle d’habitation.
« Nous recommandons généralement deux puits perdus : un puits perdu qui reçoit les eaux des douches et de la lessive et un autre qui reçoit les eaux usées de la vaisselle. Les eaux issues de la vaisselle contiennent généralement de la graisse, il y a des ouvrages annexes qu’on appelle piège à graisse pour pouvoir donner un certain délai de vie à l’ouvrage », a renseigné Adlaye Nabaloum, technicien d’état du génie sanitaire de la direction des services de santé de la commune de Ouagadougou qui a rappelé que la latrine n’est pas dédiée à l’évacuation des eaux usées et ce n’est pas conseiller de s’y doucher.

Abdlaye Nabaloum

Malheureusement, soutient M.Nabaloum, le constat est tout autre dans la ville de Ouagadougou. Les gens préfèrent selon lui, jeter leurs eaux usées sur la voie publique, dans les réserves ou ils font des branchements directs avec les caniveaux construits par la mairie pour l’évacuation des eaux de pluie. Ce constat est visible dans certains ménages où beaucoup d’eaux usées sont reversées sur les rues créant ainsi des immondices.

« Nous vivons dans un célibatérium et nous n’avions pas de puits perdus. Pendant la saison pluvieuse, on profitait de la pluie souvent pour vider nos toilettes. Nous avions reçu à plusieurs reprises des convocations de la police municipale. Nous avons interpellé maintes fois le propriétaire qui a fini par creuser un puits perdu pour les eaux de toilettes. Mais en ce qui concerne les eaux usées, nous les déversons sur la voie publique », a confié Mme Ilboudo que nous avons rencontrée dans le quartier Larlé la ville de Ouagadougou.

Comme cette dame, ils sont nombreux ces locataires qui sont confrontés à ce genre de situation. « Nous sommes indexées dans le voisinage. Une fois, j’ai surpris deux voisines du quartier qui disaient qu’elles ne vont jamais boire notre eau car estimant que nous sommes des femmes sales. Nous n’avons ni de puits perdus pour les eaux de toilettes, ni pour les eaux usées. Nous nous sommes concertés avec les autres locataires et nous avons interpellé le propriétaire qui nous a fait savoir que si ça ne nous plait pas, on peut quitter sa cour. Comme il est difficile de trouver un logement à Ouagadougou, nous sommes restés malgré nous», a déploré dame Ouédraogo qui loue un célibatérium avec son mari dans le quartier Ouidi.

Une vue des eaux usées des ménages déversées sur la voie publique à ouidi

 

Un peu plus loin, au quartier Kologh naaba, nous avons rencontré un jeune homme qui a exprimé son indignation face aux agissements de ses voisins. « Les eaux usées sont stagnées sur la voie infectant les lieux et rendant la voie impraticable. Nous les avons interpellés, mais à chaque fois ils nous disent de nous référer au propriétaire de la cour tout en refusant de révéler son identité. Nous allons les relancer et s’ils refusent toujours de nous orienter vers le propriétaire, c’est eux qui vont assumer, et dans ce cas de figure , on sera obligé malgré nous, de confier cela à la municipalité parce que nous ne pouvons pas nous faire justice nous-mêmes », a-t-il prévenu.

Déverser des eaux usées sur la voie publique est formellement interdit par les textes en vigueur notamment le code de l’hygiène. « Si vous le faites, vous pouvez faire l’objet de sanctions. Les sanctions sont pécuniaires et sont fixées en fonction de la gravité de la faute », a informé M.Nabaloum.

Pour ce qui est de l’atteinte à l’hygiène publique, pour le cas spécifique des toilettes, le déversement, le jet ou le rejet des déchets solides, liquides ou gazeux sur la voie publique et dans les espaces publics fait l’objet d’une amende de 24000 FCFA, de même que l’implantation des fausses septiques sur le domaine public, la connexion des fosses septiques aux réseaux d’écoulement des eaux pluviales, les uisances olfactives, la pollution diverses (petites industries, ménages).

Toutefois, il convient de noter que certains ménages arrivent tant bien que mal à respecter les règles en matière d’hygiène. C’est le cas de ce jeune commercial rencontré à ouidi. « Nous avons une fausse à l’intérieur de notre cour ou nos eaux usées partent. Mais quelques fois, quand il y a des travaux à faire à l’intérieur, des lavages des voitures ou des tapis, ou même de la terrasse et autres, l’eau peut déborder et se retrouver dans la rue. Sinon en général, nous évitons de jeter les eaux usées sur la voie publique parce que nous ne contribuons pas à entretenir un comportement éco-citoyen », a-t-il souligné.

Impact sanitaire de l’exposition aux eaux provenant des activités domestiques et des toilettes

Du point de vue sanitaire, explique Dr Moussa Guelbeogo, entomologiste médical ( spécialiste de l’étude des insectes) au Centre national de recherche et de formation sur le paludisme et enseignant à l’Université de Ouagadougou, les eaux stagnantes qui sont autour des habitations constituent une source de reproduction des moustiques dont certains peuvent être impliqués dans la transmission de maladies comme le paludisme. En dehors de cela, il y a aussi des eaux qu’on garde dans les habitations, qui sont parfois dans les récipients, qui sont stockés dans la cour. Généralement ces récipients ne sont pas couverts et ça peut constituer une source de reproduction d’autres moustiques qui transmettent la dengue, celui qu’on appelle généralement, les moustiques tigres qui se reproduisent dans ce type d’eau. .

A côté de ces maladies dites vectorielles, soutient Dr Mikaila Kaboré, médecin infectiologue, il y en a d’autres qui sont appelées maladies hydriques ou à transmission « féco-orale », favorisées par les mouches et les animaux domestiques. Ces derniers séjournent selon le spécialiste des maladies infectieuses, dans ces endroits insalubres pour plus tard se retrouver en contact sur l’eau de boisson et les aliments non couverts dans les concessions.

Dr Mikaila Kaboré

Par ce canal, poursuit-il, certaines maladies essentiellement diarrhéiques sont ainsi propagées au sein de ces communautés exposées. « Nous pouvons citer les maladies dysentériques, le choléra, les salmonelloses, etc et les enfants constituent les groupes les plus vulnérables », a-t-il assuré rappelant par ailleurs que l’inhalation plus ou moins permanente des odeurs provenant de ces dispositifs d’assainissement inadaptés peut entrainer à long terme des inconforts digestifs.

Que faire face à cette situation ?

Pour les eaux stagnantes il serait intéressant de boucher les trous qui sont autour des habitations selon Dr Moussa Guelbéogo.

Il faut également éviter selon M.Nabaloum, d’implanter les puits perdus/puisards en dehors de la parcelle d’habitation parce qu’en plus du voisinage, il y a « nos propres enfants qui peuvent être victimes » et ça peut aussi créer des accidents en voulant éviter une flaque d’eau.

 

 

 

 

 

Par ailleurs, il faut noter que selon l’annuaire statistique du ministère de la santé, le paludisme grave reste la principale cause de décès au Burkina Faso jusqu’en 2020 aussi bien dans les formations sanitaires périphériques que dans les Centres médicaux et les hôpitaux, avec respectivement une proportion de 27,4% et 13,0%

Madina Belemviré

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