Interruption sécurisée de la grossesse au Burkina Faso : Entre cadre légal et réalités pratiques
L’interruption sécurisée de la grossesse selon la loi (ISG/SL) est un sujet sensible et complexe au Burkina Faso, régie par des lois strictes et une procédure rigoureuse. Alors que la législation prévoit des conditions précises pour cette pratique, les femmes, notamment celles victimes de viol ou d’inceste, se heurtent souvent à des démarches administratives lourdes et un parcours semé d’embûches. Entre les exigences légales et les réalités médicales, cet article explore les contours de l’ISG/SL, les responsabilités des professionnels de santé, et les défis auxquels sont confrontées les victimes dans leur quête de justice et de protection de leur santé.
L’interruption sécurisée de la grossesse (ISG) est une pratique encadrée par la loi au Burkina Faso, permettant l’arrêt d’une grossesse sous des conditions strictement définies : quand l’enfant porte une malformation grave incompatible avec la vie extra-uterine, quand la poursuite de la grossesse aggrave l’état de santé de la mère, en cas de viol, en cas d’inceste. Cependant, la procédure légale, bien que claire sur le papier, révèle des aspects complexes, surtout pour les femmes victimes de viol ou d’inceste.
En vertu de l’article 513-14 du Code pénal burkinabè, une femme enceinte à la suite d’un viol ou d’un inceste, peut solliciter une interruption sécurisée de sa grossesse dans les quatorze premières semaines. Cependant, cette demande doit passer par le ministère public, qui entame une série de vérifications pour confirmer la réalité des faits et l’état de détresse de la victime. Cette procédure, bien que nécessaire pour s’assurer de la légitimité de la demande, s’avère souvent lourde et traumatisante pour les victimes.
Aïcha Tankoano/Nikiema, magistrate spécialisée en droits des femmes et violences basées sur le genre (VBG), explique que le procureur du Faso joue un rôle central dans cette procédure. Il doit non seulement confirmer les circonstances du viol ou de l’inceste, mais aussi évaluer l’état de détresse psychologique et physique de la victime. Cette étape peut inclure des enquêtes et des expertises médicales, prolongeant ainsi le processus et retardant l’accès à l’ISG.
La question se pose également sur la possibilité pour les médecins de refuser de pratiquer une interruption sécurisée de la grossesse.
Selon la législation actuelle, aucun médecin n’est explicitement autorisé à refuser cette intervention une fois l’autorisation du Procureur du Faso obtenue. Toutefois, le Code de déontologie des médecins offre une échappatoire pour ceux dont les convictions personnelles sont en conflit avec cette pratique. « Ils peuvent se retirer, à condition de s’assurer que l’intervention sera réalisée par un autre confrère qualifié », a renseigné Mme Tankoano.
Ce flou juridique laisse la porte ouverte à des situations où les femmes pourraient se retrouver face à des retards ou des refus injustifiés, exacerbant une situation déjà difficile. Il est donc nécessaire de se pencher sur cette question pour garantir que les droits des femmes, en particulier les plus vulnérables, soient respectés et protégés à chaque étape du processus.
Yasmine Ouédraogo