Quand l’amour devient terreur : Briser le silence sur les violences conjugales

Les violences conjugales restent un fléau omniprésent, plongeant de nombreuses femmes dans un quotidien fait de souffrance et d’humiliation. Que ce soit par les mots ou les actes, ces violences se manifestent dans l’intimité des foyers mais aussi, parfois, devant témoins, aggravant ainsi l’isolement et la honte des victimes. Si les lois existent pour protéger les femmes et punir les auteurs de ces violences, leur application reste souvent insuffisante face à l’ampleur du problème. Les chiffres montrent une réalité inquiétante, où une proportion significative de femmes au Burkina Faso continue de subir ces abus, malgré les efforts législatifs pour contrer ce cycle de violence. 

Imaginez vivre dans un cauchemar quotidien, où les mots de votre partenaire ne sont que mépris et dévalorisation. « Imbécile, chienne, fille de pute, affamée, tu ne sers à rien, le chien même vaut mieux que toi, lui au moins il garde la maison, mais toi ta présence égale à ton absence », raconte Madame X, expliquant les insultes qu’elle subissait constamment de la part de son mari. Elle décrit une situation d’humiliation continue, non seulement en privé, mais aussi devant les autres, y compris leurs enfants et sa belle-famille.

Madame X a enduré toutes sortes de violences : « J’étais battue et sodomisée, chose qui a conduit à une dégradation de ma santé. À la fin du mois, il exigeait que je lui remette mon salaire, soi-disant pour me montrer comment le gérer. Il me laissait la charge des factures d’eau, de la scolarité des enfants et leur habillement. Je subissais tout cela parce que j’avais vraiment peur de lui. Si je n’acceptais pas ce qu’il voulait, il m’insultait et me battait. J’avais honte d’en parler à quelqu’un parce que personne n’allait me croire vu que monsieur était tellement gentil et généreux devant les autres. Aussi, il avait pu me mettre dans la tête que j’étais celle qui apportait les troubles à la maison. C’était un pervers narcissique », témoigne-t-elle avec douleur.

Face à cette situation intenable, Madame X a finalement trouvé le courage de demander le divorce. « J’ai préféré quitter que de mourir, j’ai même fui en laissant mes enfants quand il voulait porter atteinte à ma vie. Je me suis dirigée vers l’Association des femmes juristes qui m’a orientée et guidée sur la conduite à tenir pour déposer une demande de divorce à la justice », confie-t-elle.

Les violences conjugales ne sont malheureusement pas des cas isolés. En 2021, les femmes de Ouahigouya ont protesté contre les meurtres brutaux de leurs camarades. Aminata Ouédraogo, enceinte de trois mois et mère d’un enfant de deux ans, a été tuée par son mari le 2 mars 2020. Aguéra Zongo, vendeuse de condiments et mère de trois enfants, a été poignardée et frappée avec une barre de fer par son conjoint le 20 mai 2021.

Aussi, selon une enquête de l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP), réalisée entre décembre 2020 et mars 2021 sur les violences faites aux femmes, 25,7 % des femmes au Burkina Faso ont subi des violences de la part de leurs partenaires intimes, tandis que 16,2 % ont été victimes de violences au sein de leur ménage. Ces violences peuvent être physiques, sexuelles ou émotionnelles.

La loi 061-2015/CNT, qui concerne la prévention, la répression et la réparation des violences à l’égard des femmes et des filles, prévoit des peines d’emprisonnement allant de quelques mois à plusieurs années, ainsi que des amendes de 5000 FCFA à plusieurs millions. Cependant, dans le cas de violences conjugales, comme le viol conjugal, la législation prévoit seulement des amendes, dans un souci de préserver l’harmonie familiale, selon Julie Rose Ouédraogo, magistrat et membre de l’Association des femmes juristes (AFJ/B).

Les violences conjugales, bien que reconnues et condamnées par la législation, continuent de briser des vies au quotidien. Malgré les lois en place, leur application reste un défi majeur, souvent freiné par des lacunes dans la législation et des obstacles socio-culturels. Les témoignages et les statistiques soulignent l’urgence d’une action plus efficace et d’une sensibilisation accrue pour protéger les victimes et faire respecter les droits fondamentaux des femmes. Les efforts pour contrer ce fléau doivent se poursuivre avec une détermination renouvelée, afin que chaque femme puisse vivre sans peur et avec dignité.

Madina Belemviré

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

dix-sept − 8 =